Du 7 avril au 1er mai : l’Andalousie enflamme Marseille

Après deux ans d’absence – Covid oblige- le Festival Flamenco Azul signe le retour du spectacle vivant à Marseille. Cet événement, porté à bout de tablaos par la papesse du flamenco de la Cité phocéenne accueille de grands artistes de la scène andalouse. Mais pas seulement. Une programmation d’excellence qui a aussi de quoi émerveiller les plus jeunes. Rencontre avec Maria Perez, sa fondatrice, et directrice du Centre Solea de la rue Sainte.

Le Festival Flamenco Azul ouvre ses portes ce week-end à Marseille et jusqu’au 1er mai inclus. Quels seront les moments forts à partager avec les enfants ? 

Maria Perez : Les petitous peuvent assister à plein de choses ! Par exemple, le lundi 18 avril, à partir de 14 heures, à côté de l’Ombrière sur le Vieux-Port, nous organisons une performance de rue qui s’appelle El Rumbòdrom. J’ai fait venir une compagnie de Barcelone, celle de José Manuel Alvarez. Il va proposer une création : sur une scène de 3 mètres de diamètre, ronde, rouge, encadrée par 130 chaises en escargot tout autour, trois jeunes danseuses vont débouler, habillées en vert pomme. Et elles vont danser la rumba catalane.

 « La rumba catalane revisitée par José Manuel Alvarez sur le Vieux-Port est très festive, très colorée, les petitous vont se régaler ».

Qu’est ce que c’est la rumba catalane ? 

M.P. : (rires) Genre Djobi, Dbjoba. Tu vois ? La rumba catalane a fait un aller-retour. Elle est partie d’Espagne pour aller en Amérique, s’est mélangée, puis est revenue en Espagne. Elle métisse donc les cultures gitane, espagnole et africaine. C’est le genre le plus populaire, parfois même kitsch. Pour la performance sur le Vieux-Port, Jose Manuel Alvarez lui apporte un nouveau regard, très contemporain. Ça promet d’être décoiffant. À la fin de cette performance de trente minutes, je fais intervenir des jeunes trisomiques à qui je donne des cours de Flamenco. C’est le clin d’œil de la fin. Cette manifestation est très festive, très colorée, les petitous vont se régaler. Et c’est en accès libre.

 « Pour la journée de la femme Flamenca le 17 avril, à partir de 11 heures,  nous organisons un brunch puis une chasse aux œufs ».

Pour toi, s’il y avait trois moments forts à partager avec les plus jeunes, et les moins jeunes, ce serait lesquels ? 

M. P. : José Manuel Alvarez, avec El Rumbòdrom dont il a été le chef d’orchestre. Mais aussi son spectacle Cruces, à la Friche la Belle de Mai le 23 avril à 20 h 30 où il danse. Après, nous organisons la journée de la Femme Flamenca, le 17 avril à partir de 10 heures à la salle Entre 2 murs. Il y a une conférence d’une heure, qui ne s’adresse pas aux enfants. Mais, à partir de 11 heures, nous organisons un brunch puis une chasse aux œufs. Ensuite, pour les amateurs de jazz Flamenco, Antonio Lizana, qui a joué aux côtés de Marcus Miller, Snarky Puppy, entre autres, et détenteurs de deux Grammy Awards, va jouer à la Friche de la Belle de Mai, le dimanche 24 avril. C’est un saxophoniste de jazz et chanteur de flamenco. Il joue sur les plus grandes scènes et dans les plus grands festivals de jazz. Il est très à la mode. Il est vraiment extraordinaire. Il faut écouter sa musique.

Pourquoi as-tu créé le Festival Flamenco Azul ? 

M. P. : En 2019, le Centre Solea a été labellisé École de Flamenco d’Andalousie. Or, quand les personnes qui la représentent sont venues à l’inauguration de notre école en tant que siège officiel, elles ont halluciné de voir qui nous étions, le niveau que nous avions, où nous étions implantés, de découvrir Marseille, et toutes les infrastructures de notre ville. Ils nous ont demandé pourquoi nous n’avions pas de festival de Flamenco. Certes, il y a ceux de Nîmes, de Châteauvallon, Mont-de-Marsan…. Mais rien à Marseille. Finalement, j’ai été convaincue. Nous avons rencontré la Région, avec l’École de Flamenco d’Andalousie et le consul d’Espagne. Et ils ont été impressionnés. La Région a tout de suite validé et soutenu fortement le projet. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce festival de flamenco s’appelle Azul : en clin d’œil à la région Provence Alpes Côte d’Azur.

 « Il faut découvrir Israel Galvan, le plus grand danseur de flamenco des 50 dernières années. On peut le comparer à Nijinski ».

Sauf que… 2019 tu lances la première édition, et la Covid arrête ensuite le monde entier…

M.P. : 2019 avait été une super réussite. 9 000 spectateurs étaient présents. Cette manifestation a été un triomphe. En 2020, bien sûr, il n’y a rien eu. En 2021, nous avons fait un festival à moitié… Comme tout le monde. Du coup cette année, nous repartons avec une grosse production. À l’instar d’Israel Galvan au  théâtre Toursky, le samedi 9 avril. C’est le plus grand danseur de Flamenco des 50 dernières années. On peut le comparer à Nijinski. C’est un visionnaire. Un chef de file très contemporain.  Il y a eu un avant et un après Israel Galvan. C’est une très grande fierté de l’avoir. Et mon coup de cœur, c’est Antonio Lizana, le saxophoniste de jazz flamenco dont nous avons parlé avant.

Deux ans de crise sanitaire, la crise en Ukraine… Dans ce contexte anxiogène, la culture a du mal à retrouver sa place, et notamment le spectacle vivant. Pourquoi est-il plus que jamais essentiel aujourd’hui selon toi ? 

M. P. : Effectivement, nous ressentons que les gens sont tétanisés. La seule chose que nous avons à faire, c’est de vibrer ensemble. Le flamenco est quand même une expression et une manière d’être très puissante. La plus aboutie du pourtour méditerranéen. Et à Marseille, nous sommes extrêmement latins. Nous sommes un festival à la fois populaire, savant et solidaire.

 « Cette année, j’ai voulu programmer des choses très contemporaines et accessibles pour déshabiller le flamenco de ses clichés réducteurs ».

C’est-à-dire ? 

M. P.  : Nous faisons intervenir des chercheurs lors de journées d’études et de conférences à l’Université d’Aix-Marseille (Aix-en-Provence). En même temps, le flamenco a été créé par des gens analphabètes. On peut faire la fête partout dans la rue, et en toute simplicité avec tout le monde. Cependant, cette année, j’ai voulu programmer des choses très contemporaines et à la fois accessibles pour déshabiller le flamenco de ses clichés réducteurs dont il souffre tellement. C’est mon objectif en 2022.

Et en quoi est- il solidaire ? 

M. P. : D’abord parce que toute l’année je donne des cours à des jeunes trisomiques et que je les mets en lumière à ce moment-là. De plus, si certains spectacles et manifestations sont payants, beaucoup sont aussi gratuits. On se saigne pour que tout le monde y ait accès.

Ce festival Flamenco Azul c’est donc la puissance de ton engagement, de tous les bénévoles, le soutien aussi de la Région pour permettre l’accès à une culture élargie dans tout ce qu’elle peut offrir : du plus populaire au plus savant.

M. P. : Effectivement. Cette manifestation est populaire et très pointue. Elle propose des choses accessibles au grand public qui sont l’œuvre de chercheurs extraordinaires et d’artistes brillants. Je pense que le monde sera sauvé par ce type d’action. J’y crois !

Parce que ? 

M. P. : Beaucoup de choses s’effondrent autour de nous. Nous y assistons. Et nous ne  pourrons escalader les murs de cet effondrement qu’à travers des actions de partage émotionnel. Bien sûr, il n’y a pas que ça. En particulier aujourd’hui. Mais moi je ne sais faire que  ça. J’agis donc avec ce que je sais faire. Notre humanité pourra être mise en valeur, si nous ne sommes pas que des consommateurs, mais surtout des créateurs et des gens qui partagent des émotions. Ce festival est une manière d’être ensemble avec ce partage d’émotions qu’apporte la culture.

Pour retrouver toute la programmation du Festival Flamenco Azul : https://www.festivalflamenco-azul.com/

Stéphanie Lacaze-Haertelmeyer